La Cour des affaires pénales du Tribunal pénal fédéral reconnaît coupables de corruption passive d’agents publics étrangers un ancien cadre d’une société étatique angolaise, et de corruption active d’agents publics étrangers une société active dans le commerce de matières premières, ainsi qu’un ancien de ses hauts dirigeants et un tiers dont la société a servi d’intermédiaire pour procéder aux paiements corruptifs.
Le pacte corruptif et son exécution
La Cour des affaires pénales a reconnu A., ancien haut cadre de E.b, une société étatique angolaise active dans la distribution d’hydrocarbures, coupable de corruption passive d’agents publics étrangers. La Cour a retenu que A., en sa qualité d’agent public étranger, s’était fait promettre et avait accepté intentionnellement, entre le 7 avril 2009 et le 20 octobre 2011, des avantages indus sous la forme de virements bancaires de plus de EUR 4 millions, de remises en espèces à hauteur d’un peu plus de USD 600'000.-, et de paiements de frais d’hôtel et de repas pour une somme d’environ CHF 800.-. En contrepartie des avantages indus qui lui ont été octroyés et qu’il a acceptés, A. a favorisé les intérêts du groupe pétrolier D., en permettant le développement des activités d’affrètement et de soutage de navires entre le groupe D. et la société étatique angolaise E., par la conclusion, entre juin 2009 et juillet 2010, de huit contrats d’affrètement de navires et d’un contrat de soutage de navires.
La plupart des avantages indus perçus par A. ont été octroyés sous la forme de versements sur le compte de F., une société offshore détenue par A. Avant d’être versés sur le compte de F., en Suisse, ces avantages provenant du groupe D. et ses filiales ont transité par le compte d’une société intermédiaire, rôle qu’ont assumé successivement la société H., dont un tiers était l’ayant droit économique, puis la société G., détenue par B. Dans certains cas, les avantages indus ont été remis par la société intermédiaire G. en espèces, directement à A.
Dans ce contexte, la Cour a retenu que B., qui était au moment des faits l’ayant droit économique de la société G., s’était rendu coupable de corruption active d’agents publics étrangers, dès lors qu’il a, à partir du 25 août 2009, en coactivité avec C., intentionnellement, accepté que la société G. réceptionne plus d’EUR 3 millions et USD 600'000.- en provenance d’une filiale du groupe D. pour les reverser sur le compte de la société offshore F. ou les remettre en mains propres à A.
La Cour a encore considéré que C., qui exerçait au moment des faits la fonction de cadre dirigeant au sein du groupe D., avait ordonné et organisé, intentionnellement, à partir d’août 2009, en coactivité avec B., le versement des avantages indus précités en faveur de A. et de sa société F., par l’intermédiaire des sociétés H. et G. Elle a ainsi reconnu C. coupable de corruption active d’agents publics étrangers.
La société D.a
La Cour a considéré que c’est en raison de défaillances organisationnelles au sein de D.a, alors société-mère du groupe pétrolier D., que les infractions de corruption active d’agents publics étrangers précitées ont pu être commises. C’est pourquoi elle a reconnu la société-mère D.a coupable de violation de l’art. 102 CP en lien avec l’art. 322septies CP.
Les défaillances organisationnelles constatées consistent principalement en l’absence, au moment des faits, de directives internes au groupe D. sur la surveillance des activités des intermédiaires du groupe, en particulier de l’usage des fonds versés à ceux-ci . En substance, la nécessité d’une telle réglementation s’imposait pour deux raisons. D’une part, les standards internationaux en matière de prévention et de lutte contre la corruption prévoyaient expressément que la rémunération versée aux agents et autres intermédiaires devait être une rémunération appropriée et justifiable pour des services légitimes rendus et que les entreprises devaient surveiller la conduite de leurs agents et autres intermédiaires. D’autre part, le Code of Business Conduct du groupe D. relevait l’existence d’un risque très élevé que celui-ci soit tenu pour responsable de tout acte de corruption commis par ses intermédiaires, ainsi que la nécessité que le groupe D. et ses employés connaissent la destination et l’objectif de tous les fonds qu’un intermédiaire utilise au nom du groupe; ces principes généraux n’ont toutefois pas été concrétisés s’agissant des avantages indus procurés à A.
Eu égard à la taille et aux moyens financiers considérables dont disposait le groupe D. au moment des faits, l’adoption d’une règlementation sur la surveillance des intermédiaires et sa mise en œuvre constituaient des mesures d’organisation raisonnables, au sens de l’art. 102 al. 2 CP. Celles-ci apparaissaient aussi nécessaires, étant donné que le risque de corruption dans le commerce international de produits pétroliers était connu du groupe D.
Les peines, confiscation et créances compensatrices
La Cour a condamné A., B. et C. à des peines privatives de liberté. Celle de A. a été fixée à 36 mois avec sursis partiel ; la peine ferme à exécuter est de 14 mois, et le délai d’épreuve de 2 ans. Celle de B. a été fixée à 24 mois, avec l’octroi d’un sursis complet et un délai d’épreuve de 2 ans. Celle de C. a été fixée à 32 mois avec sursis partiel ; la peine ferme à exécuter est de 12 mois et le délai d’épreuve de 2 ans. La société D.a a été condamnée à une amende de CHF 3 millions.
Pour le surplus, la Cour a confisqué une partie des montants déposés sur un compte bancaire séquestré au nom de A. Elle a également astreint A. et D.a au paiement de créances compensatrices, de l’ordre de de EUR 480’000.-, USD 710'000.- et CHF 800.- pour le premier, et de USD 145'000'000.- pour la seconde.
Le jugement n’est pas entré en force. Les prévenus continuent à bénéficier de la présomption d'innocence.
Annexe: Dispositif SK.2023.49 du 31 janvier 2025
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