La Cour d’appel du Tribunal pénal fédéral confirme les acquittements prononcés en première instance pour les deux prévenus A. et B. pour l’accusation de corruption (art. 322octies et 322novies CP) ainsi que la grande majorité des condamnations prononcées en première instance s’agissant des accusations de violation du secret de fabrication et du secret commercial (art. 162 CP). Alors que B. est complètement acquitté du chef d’accusation de service de renseignements économiques (art. 273 CP), A. fait en revanche l’objet de condamnations supplémentaires à ce sujet. Les condamnations en première instance de A. pour exploitation de la connaissance de faits confidentiels sont en grande partie confirmées. A. est condamné à une peine privative de liberté de 22 mois avec sursis, une peine pécuniaire de 148 jours-amende à CHF 330 avec sursis et une amende additionnelle de CHF 6'000. B., dont la peine est fortement réduite, est condamné à une peine pécuniaire de 210 jours-amende à CHF 230 avec sursis et à une amende de CHF 6'000.
L’arrêt concerne l’appel/appel joint du Ministère public de la Confédération, les appels des deux prévenus A. et B. ainsi que l’appel joint de la partie plaignante C. contre le jugement de la Cour des affaires pénales SK.2020.36 du 22 juin 2021.
Chefs d’accusation
A. est accusé de violation répétée du secret de fabrication et du secret commercial (art. 162 CP respectivement art. 6 cum art. 23 LCD). En sa qualité de membre du conseil d’administration du groupe C. (C. SA), il aurait, du 20 décembre 2013 au 2 novembre 2016, révélé leurs secrets commerciaux au prévenu B. (managing director de la société de conseil banque 2 Sàrl) à 14 reprises. Malgré son obligation de conserver le secret, A. aurait livré par voie électronique et sans y être autorisé des documents/informations à grande échelle concernant ledit groupe et ses filiales. Par la transmission d’inputs, A. aurait voulu donner à B., respectivement à la banque 2 Sàrl, des idées pour de nouvelles affaires dans d’autres domaines de l’industrie et les informer au sujet de potentiels nouveaux domaines d’activité pour la banque 2 Sàrl. Cela se serait en particulier produit dans le cadre de la vente d’une partie de C. (projet C.d) lors de laquelle B. aurait conseillé l’acheteur/acheteur potentiel (la société étrangère P.). En tant que membre du conseil d’administration de C. (vendeur) et senior advisor de la banque 2 Sàrl (conseillère de l’acheteur potentiel), A. aurait ignoré le conflit d’intérêts et violé son obligation de garder le secret. Dans ce contexte, l’accusation reproche également au prévenu B. (managing director de la banque 2 Sàrl) une violation répétée du secret de fabrication et du secret commercial (art. 162 CP respectivement art. 6 cum art. 23 LCD). Il aurait utilisé les secrets commerciaux du groupe C., qu’il aurait reçus de A. sans y être autorisé, pour sa propre activité de conseil en faveur de tiers et les aurait transmis à cet effet à des conseillers d’autres entités commerciales du groupe de la banque 2.
A. est en outre accusé de service de renseignements économiques répété (cas grave) (art. 273 al. 3 CP). Outre les 14 secrets commerciaux susmentionnés du groupe C., A. aurait également révélé à 5 reprises, en tant que membre du conseil d'administration de E. SA, des secrets d'affaires de cette dernière à B., sans y être autorisé et malgré son obligation de conserver le secret, et ce également par la transmission électronique de nombreux documents/informations. A. aurait su ou accepté que B. transmette ces documents/informations secrets à des entités commerciales et des personnes/clients du groupe banque 2 (notamment à l'étranger) dans le cadre de projets internationaux. Pour son activité d'espionnage économique, A. aurait reçu une rémunération liée aux résultats dans le cadre de son poste/de son activité de senior advisor au sein de banque 2 Sàrl. Dans ce contexte, B. est également accusé de service de renseignements écnomiques répété (art. 273 CP). En tant que managing director de la Bank 2 GmbH et agent suisse de la banque internationale banque 2 groupe, il aurait à plusieurs reprises transmis ou rendu accessibles, à des conseillers d'autres entités commerciales (étrangères) de banque 2 groupe en dehors de la Suisse, des secrets d'affaires du groupe C. et, dans un cas, de E. SA, qu'il aurait reçus sans autorisation de A.
A. est également accusé de corruption passive (art. 322novies al. 1 CP respectivement art. 4a al. 1 let. b cum art. 23 LCD). En septembre 2016, dans sa double fonction de membre du conseil d’administration de C. SA et de senior advisor de banque 2 Sàrl, il se serait fait promettre par B. une indemnité (« success fee ») de EUR 138'000 pour la divulgation contraire à ses devoirs de secrets commerciaux du groupe C. concernant le projet de vente C.d en faveur de banque 2 Sàrl, aurait exigé cette indemnité et l'aurait finalement acceptée en octobre 2016. Dans ce contexte, B. est accusé de corruption active (art. 322octies CP respectivement art. 4a al. 1 let. b cum art. 23 LCD). Il aurait promis à A., qu'il avait auparavant recruté en tant que senior advisor de la banque 2 Sàrl, l'indemnité de EUR 138'000 en contrepartie de services de conseil consistant en la divulgation contraire à ses obligations de secrets commerciaux du groupe C. dans le cadre du projet de vente C.d, et aurait finalement organisé le paiement de l'indemnité.
Finalement, A. est accusé d’exploitation d’informations d’initiés, c’est-à-dire commerce en tant qu’initié primaire et secondaire (art. 40 al. 1 aLBVM respectivement art. 154 al. 1 LIMF). Entre novembre 2013 et décembre 2016, il aurait utilisé à plusieurs reprises, en son nom propre ou par le biais de sa raison individuelle/fondation, la connaissance de faits confidentiels (informations d'initiés) de manière interdite pour effectuer des activités commerciales avec des titres de 11 sociétés différentes (notamment C. et E. SA). ), Il aurait obtenu ces faits confidentiels en raison de sa position de membre du conseil d’administration de ces entreprises cotées en bourse ou de sa fonction de senior advisor des sociétés de conseil banque 2 Sàrl et EEE. Il aurait ainsi réalisé un bénéfice total de CHF 1'959’000 CHF.
L’accusation réclamait initialement une peine privative de liberté de 5 ans (ferme) pour le prévenu A. et de 28 mois, dont 14 mois avec sursis (durée d’épreuve de 2 ans), pour le prévenu B.
Jugement de première instance
Par jugement SK.2020.36 du 22 juin 2021, la Cour des affaires pénales du Tribunal pénal fédéral a acquitté les prévenus A. et B. des accusations de corruption in dubio pro reo et a rejeté dans leur intégralité les prétentions civiles de la partie plaignante C. visant à obtenir la restitution du versement corruptif de EUR 138'000, le but réel du paiement de EUR 138'000 n'ayant pas pu être déterminé. Les demandes de réparation du dommage de la partie plaignante C. ont été renvoyées à la voie civile. En ce qui concerne l'accusation de violation du secret de fabrication et du secret commercial, les deux prévenus ont été reconnus coupables par l'instance précédente de 12 des 14 chefs d'accusation (A.) et de 7 des 8 chefs d'accusation (B.). En ce qui concerne l'accusation de service de renseignements économiques, les prévenus ont été reconnus coupables par l'instance précédente de 7 des 19 chefs d'accusation (A.) et de 6 des 7 chefs d'accusation (B.). En ce qui concerne A., les condamnations pour service de renseignements économiques n'ont été prononcées qu'en relation avec la transmission de secrets d'affaires de C. en rapport avec le projet de vente C.d., pour lequel A. aurait été conscient de la position d'agent de B. Pour les secrets d'affaires de C. et de E. SA transmis en dehors du projet C.d, la conscience de la position d'agent de B. a été niée chez A., raison pour laquelle des acquittements ont été prononcés pour les chefs d'accusation concernés. En raison de la quantité et du type d'informations transmises ainsi que de la mise en danger non considérable de l'économie nationale, l'instance précédente a nié la variante d'infraction du cas grave de service de renseignements économiques (art. 273 al. 3 CP). Enfin, l'instance précédente a reconnu le prévenu A. coupable de 21 des 23 chefs d'accusation de commerce en tant qu'initié primaire et secondaire. Le gain réalisé grâce aux transactions incriminées se serait élevé au total à CHF 2'045'575.10.
L'instance précédente a prononcé à l'encontre de A. une peine privative de liberté de 24 mois avec sursis (durée d’épreuve de 2 ans) ainsi qu'une amende additionnelle de CHF 10'000, et à l'encontre de B. une peine privative de liberté de 12 mois avec sursis (délai d’épreuve de 2 ans) ainsi qu'une amende additionnelle de CHF 8'000. Elle a condamné les deux prévenus à verser chacun une indemnité partielle à la partie plaignante C. Une créance compensatrice en faveur de la Confédération a été prononcée à hauteur du gain réalisé par A. (dans la mesure où il n'a pas encore été confisqué par la FINMA).
Arrêt de la Cour d’appel
Par arrêt CA.2021.19 du 12 juillet 2022, la Cour d’appel du Tribunal pénal fédéral acquitte les deux prévenus A. et B. des accusations de corruption, in dubio pro reo, en suivant le même raisonnement que l’instance précédente, et rejette dans leur intégralité les prétentions civiles de la partie plaignante C. tendant à la restitution du versement corruptif de EUR 138'000. Elle reconnaît A. coupable de 12 des 14 chefs d’accusation et B. coupable de 5 des 8 chefs d’accusation concernant la violation du secret de fabrication et du secret commercial. S’agissant de l’accusation de service de renseignements économiques, elle reconnaît A. coupable de 15 des 19 chefs d’accusation. Contrairement à l’instance précédente, l’instance d’appel estime que la conscience de A. de la position d’agent de B. est établie dans tous les complexes de faits (par conséquent également en dehors du projet de vente C.d). En lien avec les condamnations de A, la Cour d’appel constate de manière générale l’obligation de réparer de celui-ci envers la partie plaignante C. Le prévenu B. est entièrement acquitté, en deuxième instance, du chef d’accusation de service de renseignements économiques, en particulier du fait que les éléments constitutifs de l’infraction sont déjà réalisés par la transmission des secrets par A. à B., de sorte que ce dernier ne peut pas à nouveau réaliser lesdits éléments constitutifs.
Finalement, A. est reconnu coupable, en deuxième instance, de 17 des 23 chefs d’accusation de délit d’initiés, 4 acquittements supplémentaires étant prononcés par rapport au jugement de l’instance précédente. Le gain réalisé grâce aux transactions incriminées s’élève au total à CHF1'983'237.50 selon les constatations de la Cour d’appel.
La Cour d’appel estime que, pour le prévenu A., une peine privative de liberté de 22 mois avec sursis (délai d’épreuve de 2 ans), une peine pécuniaire de 148 jours-amende à CHF 330 avec sursis (délai d’épreuve de 2 ans) et une amende additionnelle de CHF 6'000 sont appropriées au regard des infractions et de la culpabilité. Elle condamne le prévenu B. à une peine pécuniaire de 210 jours-amende à CHF 230 (délai d’épreuve de 2 ans) et à une amende de CHF 6'000. Les deux prévenus sont tenus de verser chacun une partie de son indemnité à la partie plaignante C. La créance compensatrice en faveur de la Confédération est confirmée à hauteur du gain réalisé par A. tel que reconnu par celui-ci en deuxième instance (dans la mesure où il n'a pas encore été confisqué par la FINMA).
L’arrêt de la Cour d’appel n’est pas encore entré en force. Les parties ont la possibilité, après réception de la motivation écrite dudit arrêt, de former un recours en matière pénale à son encontre auprès du Tribunal fédéral. La présomption d’innocence vaut toujours pour les deux prévenus.
Annexe: Dispositif CA.2021.19
Contact:
Tribunal pénal fédéral, Estelle de Luze, Chargée de communication, presse@bstger.ch, tél.: 058 480 68 68