Feuille d'information

La réforme de la justice fédérale comme point de départ

Il n'y avait, jusqu'en 2004, que deux tribunaux ordinaires fédéraux : le Tribunal fédéral d'une part, fondé en 1848 à l'issue de la guerre du Sonderbund qui vit le passage d'une fédération d'Etats à un Etat fédéral, et qui siège à Lausanne depuis 1875 ; le Tribunal fédéral des assurances d'autre part, établi à Lucerne en 1917 suite à l'adoption de l'assurance-accidents obligatoire. Ces deux tribunaux ont fusionné en 2007 pour former le Tribunal fédéral suisse, établi dans ces deux villes.

Au fil des ans et en particulier dans un passé récent, la charge de travail du Tribunal fédéral n'a cessé de croître. La surcharge de l'institution devint même un thème récurrent du débat politique à compter des années huitante. Tous s'accordaient sur la nécessité d'agir.

Diverses mesures destinées à décharger le Tribunal fédéral et améliorer la protection juridictionnelle ont été introduites en 2007 lors de l'entrée en vigueur de la réforme de la justice.

Au plan institutionnel, trois nouveaux tribunaux de première instance ont été créés au niveau fédéral : autorités judiciaires directement inférieures au Tribunal fédéral dans leurs domaines de compétence respectifs, il s'agit du Tribunal pénal fédéral établi en 2004, du Tribunal administratif fédéral en 2007 et, enfin, du Tribunal fédéral des brevets en 2012, dont les sièges définitifs se trouvent à Saint-Gall pour les deux dernières autorités. Il s'agissait entre autres de décharger le Tribunal fédéral et de renforcer son rôle de Cour suprême du pays. Dans le domaine du droit pénal, la volonté était en particulier d'éviter que le Tribunal fédéral ait à juger des affaires en première instance. Afin de décharger le Tribunal fédéral, sa Chambre d'accusation a été dissoute et ses compétences transférées au profit de la Cour des plaintes du nouveau Tribunal pénal fédéral. Figuraient également au rang des buts de la réforme de la justice l'amélioration de la protection juridictionnelle pour les justiciables et la simplification des voies de recours.

Un motif de politique criminelle a également plaidé pour le développement de la procédure pénale fédérale et, partant, pour un tribunal pénal autonome au niveau fédéral. Il s'agissait de regrouper des compétences et des capacités dédiées à la conduite de procédures pénales complexes à caractère international. C'est la raison pour laquelle le Ministère public de la Confédération a, dans le même temps, été remodelé et développé dans le cadre du Projet efficacité.

Le peuple et les cantons ont accepté, le 12 mars 2000, la norme constitutionnelle nécessaire à la réalisation de la réforme de la justice. Le 1er août 2003, la loi fédérale sur le Tribunal pénal fédéral est entrée en vigueur ; elle a, depuis, été abrogée par la loi fédérale sur l'organisation des autorités pénales de la Confédération. Enfin, l'Assemblée fédérale a élu les onze premiers juges du nouveau Tribunal le 1er octobre 2003. Le Tribunal pénal fédéral a débuté son activité le 1er avril 2004 à Bellinzone. En 2007, une compétence supplémentaire a été attribuée au Tribunal : le jugement des recours dans le domaine de l'entraide judiciaire internationale en matière pénale. L'Assemblée fédérale a approuvé la création de quatre nouveaux postes de juges et les a pourvus.

En octobre 2013, le Tribunal pénal fédéral a inauguré son nouveau siège sis au Viale Stefano Franscini 7 à Bellinzone. Le nouveau bâtiment a permis de réunir en un seul lieu tous les locaux nécessaires, auparavant loués depuis 2004 sur deux sites à Bellinzone, et offre les conditions propices au déroulement optimal du procès. La position désormais occupée par le Tribunal confère à l'institution – encore récente – une visibilité certaine mais discrète, au centre de Bellinzone.

Le 1er janvier 2019, une Cour d’appel est également entrée en fonction, instituée après un processus parlementaire qui a permis d’aboutir, le 17 mars 2017, à la présente modification de la loi sur l’organisation des autorités pénales de la Confédération.

Large éventail de compétences

Le Tribunal pénal fédéral est actuellement constitué de trois Cours. La Cour des affaires pénales, tribunal pénal ordinaire de la Confédération, juge en première instance les causes qui – en dérogation à la compétence de principe des cantons en matière de poursuite pénale – relèvent expressément de la juridiction fédérale. On parle alors de causes fédérales. Il s'agit notamment de crimes ou délits dirigés contre les intérêts de la Confédération (infractions commises par ou à l'encontre de fonctionnaires fédéraux, contre des institutions fédérales ou des personnes protégées par le droit international public, la corruption, etc…), des délits commis au moyen d'explosifs ou encore de cas de criminalité économique, de crime organisé et de blanchiment d'argent intercantonal ou international. En sus, la Cour des affaires pénales juge, en première instance, des infractions relevant d'autres lois fédérales, comme par exemple la loi sur l'aviation, la loi sur l'énergie nucléaire, la législation sur les marchés financiers ou encore la loi sur le matériel de guerre.

Avant le 1er janvier 2019, les jugements de la Cour des affaires pénales du Tribunal pénal fédéral ne pouvaient être saisis que par le biais d’un recours en matière pénale par devant le Tribunal fédéral. Celui-ci ne pouvait revoir l’appréciation des preuves et la constatation des faits opérées par la Cour des affaires pénales que sous l’angle arbitraire et donc de manière particulièrement limitée. A l’échelon fédéral, il n’existait pas de deuxième instance dotée, à l’instar d’un tribunal cantonal, d’un plein pouvoir de cognition en fait et en droit, permettant d’analyser le jugement de première instance. 

Avec la création d’une Cour d’appel auprès du Tribunal pénal fédéral, la protection juridictionnelle a également été consolidée au niveau fédéral : dès le 1er janvier 2019, les faits de toutes les procédures pénales fédérales peuvent être examinés par deux instances. Les jugements rendus par la Cour des affaires pénales qui ont clos, tout ou partie de la procédure, peuvent être saisis au moyen d’une procédure d’appel. La Cour d’appel est dotée d’un plein pouvoir d’analyse en fait et en droit. Cette dernière statue sur les demandes de révision présentées contre les jugements de la Cour des affaires pénales et de la Cour d’appel entrés en force ainsi que contre les ordonnances pénales, les décisions judiciaires ultérieures et les décisions rendues dans le cadre de procédures indépendantes en matière de mesures. Les décisions de la Cour d’appel peuvent, à leur tour, faire l’objet d’un recours en matière pénale au Tribunal fédéral. 

La Cour des plaintes statue sur les recours dans les causes fédérales dirigés contre les actes de procédure de la police et du Ministère public de la Confédération, ainsi que contre les décisions des tribunaux des mesures de contrainte. Ces derniers sont en particulier compétents pour prononcer les mesures de détention. La Cour des plaintes est également compétente pour les plaintes et les contestations que la loi fédérale sur le droit pénal administratif lui attribue. Elle statue en outre sur les conflits de compétence entre cantons, respectivement entre les cantons et la Confédération. La Cour des plaintes se prononce aussi sur les recours dans le domaine de l'entraide judiciaire internationale en matière pénale, qui portent pour l'essentiel sur l'extradition de personnes poursuivies ou condamnées, sur l'entraide accordée en lien avec une procédure pénale étrangère, sur la délégation de la poursuite pénale ou de l'exécution d'une peine, ainsi que sur l'exécution de jugements pénaux étrangers ; tout cela en application du droit international et national.

Les décisions de la Cour des plaintes peuvent pour partie, selon la matière et à certaines conditions, être entreprises devant le Tribunal fédéral.

Bien que le Tribunal pénal fédéral soit un tribunal de la Confédération, donc un tribunal fédéral, amené à juger certaines causes comme autorité de dernière instance, il ne doit pas être confondu avec le Tribunal fédéral, qui lui constitue la Cours Suprême en Suisse.

Chaque affaire est différente

Le Tribunal pénal fédéral traite aujourd'hui environ 70 procédures pénales et 750 recours par année ; pour ce qui concerne la Cour d’appel, récemment instituée, il n’existe pas encore de statistique. Vu les diverses compétences du Tribunal, il est aisé de déduire que ces chiffres représentent des affaires très différentes.

Dans les procédures pénales, la préparation et le déroulement des débats avec tous les participants à la procédure, en particulier la phase souvent ardue de l'administration des preuves, représentent une partie essentielle de l'activité judiciaire. Les débats sont suivis du délibéré puis du prononcé du jugement. Si le Tribunal arrive à la conclusion que les accusations portées devant lui sont fondées et les autres conditions de la culpabilité établies, il prononce les sanctions adéquates et leurs conséquences (e. g. la confiscation des valeurs patrimoniales séquestrées et le sort des frais). Dans les affaires complexes de droit pénal économique ou de crime organisé, le Tribunal reçoit en général des actes d'accusation très étoffés qui concernent plusieurs accusés et d'autres participants ; les débats doivent être souvent traduits en diverses langues et durent régulièrement plusieurs jours, voire plusieurs semaines. Il n'est pas rare que les motifs des jugements comptent des centaines de pages.

Au contraire de la Cour des affaires pénales, la Cour des plaintes est principalement une instance de recours. Elle examine la conformité au droit des traités et au droit interne des décisions et des actes de procédure de la police, des autorités d'enquête, de la Cour des affaires pénales elle-même ou, en matière d'entraide judiciaire, de l'Office fédéral de la justice et des autorités d'exécution cantonales et fédérales.

En principe, ce sont les normes du Code de procédure pénale qui sont appliquées aux procédures menées par devant le Tribunal pénal fédéral. Cependant, les domaines de l'entraide judiciaire et du droit pénal administratif sont régis par la législation sur l'entraide judiciaire internationale en matière pénale ou celle sur la procédure administrative ou le droit pénal administratif.

Comme le Tribunal pénal fédéral est une autorité fédérale, la langue de la procédure est l'une des trois langues officielles dans laquelle le dossier est tenu et les débats menés.

La jurisprudence demande de l'organisation

L'activité principale d'un tribunal est de dire le droit. Au sein du Tribunal pénal fédéral, cette tâche incombe aux trois Cours, respectivement aux juges qui y sont affectés et qui rendent les prononcés dans une composition à trois juges ou comme juge unique, avec le concours des greffiers. La présidence des trois Cours est assurée pour une période de deux ans, renouvelable deux fois.

Plusieurs organes administrent le Tribunal. Le secrétariat général assure la direction administrative et dirige les services (chancellerie, finances, personnel, bibliothèque, informatique, logistique et sécurité). Ceux-ci fournissent les prestations nécessaires à la bonne marche du Tribunal et à son activité judiciaire. Le secrétariat général participe aux organes de décision avec voix consultative, tient le procès-verbal des séances et prépare les décisions. La secrétaire générale est également porte-parole du Tribunal.

La loi prévoit comme organes de décision la Cour plénière et la Commission administrative, toutes deux présidées par le président du Tribunal. La Cour plénière est compétente pour promulguer des règlements importants, procéder à des nominations et des élections ainsi que rendre des décisions matérielles. La présidence représente le Tribunal vis-à-vis de l'extérieur, en particulier des autorités de surveillance et des commissions parlementaires. La Commission administrative, qui se compose du président, du vice-président et de trois autres juges au maximum, est compétente pour diriger le Tribunal et est chargée de toutes les tâches administratives qu'elle n'a pas déléguées à un autre organe, en particulier le secrétariat général.

Les juges ainsi que le Président et le Vice-président sont élus par l’Assemblée fédérale, tandis que la Cour plénière compose la Cour des affaires pénales et la Cour des plaintes et élit les Présidents des cours pour une durée de deux ans.  

Au 1er janvier 2019, le Tribunal pénal fédéral comptait environ 80 collaborateurs, dont 19 juges ordinaires et 25 greffiers.

L'activité juridictionnelle est indépendante et impartiale

Seuls des juges bien formés, expérimentés et par-dessus tout indépendants sont à même de juger de manière objective, impartiale et libre d'influences extérieures. Le métier de juge exige en plus le courage de prendre également des décisions impopulaires. Les décisions doivent se baser sur une procédure équitable, impartiale et transparente. Au sein du Tribunal pénal fédéral, le respect de ces principes fondamentaux n'est pas une simple formalité ; au contraire, tous ses membres ont la conviction que la crédibilité de la justice vis-à-vis des parties et de la collectivité découle de ces fondamentaux.

L'information et la clarté créent la transparence

Chaque tribunal est apprécié à l'aune de la réception de ses décisions par les participants à la procédure et dans la collectivité. Aussi le Tribunal pénal fédéral accorde-t-il de l'importance à l'information. En premier lieu, les jugements sont rendus en public ; ensuite, l'ensemble de sa jurisprudence est publiée régulièrement sur internet et les décisions principales font l'objet d'une publication officielle chaque année (Arrêts du Tribunal pénal fédéral suisse). De plus, son rapport d'activités, établi à l'intention des Chambres fédérales, est publié chaque année et donne des informations précises sur les aspects importants de l'activité du Tribunal.